Acte 1:
L'été dernier, Rémy Karle, guide très actif du Valgaudemar, commence à ouvrir seul un itinéraire dans la grande face sud des Rouies. Il franchit le mur du bas sur du rocher compact, ce qui l'encourage à poursuivre son aventure. Après une zone de gradins, la paroi se redresse à nouveau. Il ouvre 4 longueurs de plus. L'entreprise est longue et Rémy commence à parler à sa caméra. Un jour, découragé par un mal de pied sévère et par un peu trop de solitude, il enlève ses chaussons et se décide à redescendre. Si la voie n'est pas finie, en tout cas il en a trouvé le nom: elle s'appellera "Mille Blues", en clin d'œil à son moral à 910 hPa.
La neige arrive début Octobre. Tout reste figé.
Acte 2:
Cet hiver à Merlette, lors d'un apéro, je fais parler Rémy de cette voie.
Quelques verres de bière plus tard: "Tope la, on va finir ta voie l'été prochain!"
En début d'été, une fois la face sèche, on se réserve 2 jours pour aller finir le chantier.
Acte 3:
dimanche 18 et lundi 19 Juillet
Ah ça, pour un chantier, c'est un chantier!!!
Georges nous réveille avec tout le monde à 4 heures. Nous partons peu de temps après. A 5h30 nous voilà au pied de l'éperon sud-est, comme la veille! Et c'est parti pour une heure et demi de terrain de "merde"! L'idée c'est d'arriver aux cordes fixes depuis les "vires" d'accès des voies de la face sud. (D'ailleurs, j'ai un peu revu la notion de "vire" depuis... Une vire en fait, n'est pas forcément plate... Certaines peuvent même être très inclinées...!!!).
Ouf, arrivés aux cordes fixes, je me jette sur le relais, y installe ma longe et me laisse aller dans mon baudrier! Puis on remonte prudemment les 150 mètres de corde fixe. Bien nous prend, Rémy découvre avec effroi que l'une est bien bien amochée. Au dernier relais installé, on retrouve le sac de matériel laissé depuis 9 mois sous la neige. Et bien, le matériel n'aime pas trop passer l'hiver en altitude... Nous passons une heure à nous préparer et à trier ce qui est encore utilisable. Ensuite nous partons pour 5 longueurs. Le rocher est correct bien qu'encombré de blocs et de pierres posées. L'escalade est minutieuse. Nous plantons un minimum de spits (4 maxi par longueur) et installons de beaux relais. Vers 17 heures nous nous laissons glisser le long des cordes fixes, désescaladons les vires (elles me semblent de plus en plus raides et j'ai horreur de me promener sans corde...) et arrivons au refuge. Georges nous prépare un fond de Ricard pour nous désaltérer et nous mangeons copieusement... (...Camille est une excellente cuisinière!)
Le lendemain, nous demandons à Georges un réveil à 3 heures car une longue journée nous attend. Nous devons finir la voie et redescendre le matériel... cordes fixes, perfo, goujons, pitons et friends...
Je commence à connaître l'attaque de l'éperon sud-est!!! Les vires n'ont pas poussé durant la nuit et personne n'y a passé un coup de balai.On remonte les cordes fixes. Je sens que j'ai fait quelque chose hier... Et c'est reparti pour l'inconnu. Nous ouvrons 3 longueurs supplémentaires avant d'atteindre l'arête qui mène au sommet. Rémy est aux anges: on a fini la voie. Reste maintenant à plier le matos.
En fin d'après midi on se retrouve une fois de plus sur les vires! Cette fois ci, nos sacs sont énormes. Nous laissons tout de même les 150m de stat' cachés. Rémy reviendra les chercher plus tard. Et c'est reparti pour faire les marioles sur les vires. Rémy semble habiter là, il s'y promène comme à la maison. Moi, très timide, je reste concentré comme un tube de "Régilait".Nous arrivons au refuge. Même punition: Ricard pour s'hydrater. Ça nous met en forme pour continuer la descente jusqu'à la voiture. Nous arrivons en bas complètement défoncés!
"Mille Blues" est terminée... Ce sont de bons moments passés avec Rémy et de belles longueurs ouvertes: une bien belle expérience.
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