mardi 31 Aout
Voilà 5 jours que nous sommes partis. Nous passons d'un extrême à l'autre: des talons qui claquent dans les halls de l'aéroport de Moscou, aux sabots des mules qui dérapent sur les cailloux des sentiers de la vallée de Karavshin.A l'aéroport de Moscou, nous avons tourné en rond…: 20 heures comme des poissons rouges. Ensuite Bishkek : jeune, dynamique, décontracté… Mais bon, y’a pas grand chose à y faire. Nous y passons quand même le week-end entre repos, préparation des sacs, dernières emplettes et Baltika (bière locale à la vodka, servie par ½ litre).
Hier, tôt le matin, nous avons quitté Bishkek pour prendre l’avion : direction Isfana dans les montagnes du sud. Nous rencontrons le cook puis continuons la route en voiture. Les gens sont généralement sympas voire très sympas, même si certains ont des têtes de tueurs !!!
Pour entrer dans les montagnes, il faut traverser une enclave tadjik. C’est là, qu’en fin de journée la pression est montée un peu. En même temps qu’un permis, on nous impose une escorte militaire pour traverser ces 10 kilomètres. Le fourgon s’est donc transformé en convoi exceptionnel : les rideaux tirés et deux soldats à la sauce mercenaire à l’avant. Ils nous ont lâchés au poste de contrôle suivant en terre kirghize… particulier !
La nuit tombe bientôt, nous nous arrêtons à Ak-Saï, là où nous commençons à marcher.
Ce matin, après une bonne nuit nous assistons au chargement des mules. C’est parti pour une première journée de marche.
"60 km à pied, ça use, ça use ! "
mercredi 1er Septembre
Nous nous réveillons à "Abricos place". Nous y sommes arrivés après 9 heures de marche: un peu plus de 40 km. "Abricos place", c’est une prairie au bord du torrent et les 4 abricotiers plantés là offrent un tapis de fruits secs et bien sucrés. On se baisse, on ramasse, on mange : garantis sans vers, pas pourris… incroyable !
Au loin, nous avons aperçu pour la première fois les grandes tours de "Karavshin Valley". Encore une journée de marche et nous serons au pied.
"Roulette russe"
samedi 4 Septembre
Déjà 3 jours que nous sommes au camp.Nous nous sommes installés confortablement… tout au moins du mieux que nous avons pu. Amirbek (АМИРБЕК) notre cuistot a sa cuisine, nous avons notre salle à manger, un petit frigo où séjournent une centaine de canettes de bière, une buanderie, une salle de bain avec eau chaude… enfin, eau froide et non glaciale comme celle du torrent, des toilettes, un coin matos et deux chambres.Et une fois tout ça installé, la pluie s’est mise à tomber.
Hier nous avons fait notre première voie : la petite tour. Belle escalade ! La deuxième partie de la voie a permis à Jam-Marc de s’exprimer pleinement malgré des pieds lumineux d’ampoules. Coincements de pieds, verrous de mains… merci Indian Creek !Par contre, l’escalade ici c’est un peu la roulette russe. La pluie s’invite tous les jours en début d’après midi. Du coup nous sommes un peu tendus lorsqu'arrivent, du fond de la vallée, des nuées de pluie... d'autant plus que le lichen mouillé n’est pas super adhérent. Il nous faudra établir la stratégie appropriée pour grimper "Perestroïcrack", notre objectif.
"Histoire d’un but"
lundi 6 Septembre
Hier toute l’équipe est montée repérer la descente du Slessov. C’est aussi la descente de la tour russe ainsi que l’accès à la voie que nous convoitons pour demain : "une étoile pour Ulugh Beg". Autant dire que nous allons trainer nos semelles un paquet de fois dans le secteur. Il fait grand beau ce matin. Nous montons le matériel d’escalade au pied du pilier d’ "Ulugh Beg". Nous profitons du soleil et décidons d’aller repérer plus haut. Tout se passe bien, nous jalonnons l’itinéraire de cairns en prévision d’une descente nocturne. De retour au camp, il se met naturellement à pleuvoir toute la fin de journée et le début de nuit. Le ciel dégagé à 3h du matin nous redonne le moral et nous marchons gaillardement rejoindre le départ de la voie.
photo de Rémi
Je grimpe une première longueur.
"Relais! A vous!"
Une première goutte me tombe sur l’épaule puis une autre pile au sommet du crâne. Étonnamment, le ciel bien que voilé, laisse apparaître des étoiles. Le temps de ne pas comprendre d’où viennent ces gouttes et voilà que s'installe une bonne grosse pluie. Alors que les 4 larrons montent me rejoindre, de véritables torrents se créent un peu partout et dévalent vers le bas de la paroi. Réunis tous les 5 au relais, la décision est unanime : "On se casse d’ici !".
Et un but, un !!!
mardi 7 Septembre
Ça y est, nous avons grimpé le Slessov. C’est la première fois que nous ne sommes pas inquiétés par la météo. Si seulement ça pouvait durer…
"Leçon de compréhension"
Stef a un faible pour les destinations où "on comprend rien". C’est pourquoi le Kirghizistan, ça lui a tout de suite plu. "On comprend rien" à l’alphabet, rien à la langue et les kirghizes, rien à l’anglais. Ce qui est étonnant c’est l’indifférence qu’ils affichent devant notre incompréhension. C'est-à-dire que même sachant que nous ne parlons pas la langue, ils continuent très naturellement et à la même vitesse à nous parler russe ou kirghize. Si nous ne comprenons pas, ils répètent à la même cadence avec des phrases plus longues.
Avec Amir notre cuisinier, nous allons passer plus de 20 jours ensemble. Autant dire qu’il s’agit de trouver un moyen pour échanger.
Le plus simple a été le langage des signes aidé de dessins. Tous les soirs nous avons donc disputé avec Amir de vraies parties de "Pictionary". D’abord des sujets simples : "l’heure du repas", "planning de la journée"; puis de plus en plus élaborés tels : "la comparaisons des systèmes monétaires et sociaux kirghizes et français" ou "les Talibans : religion ou corruption".
Stef est expert dans l’art de la discussion. Il a le don de faire croire qu’il maîtrise la conversation de manière effrontée.
-"Grosniek brotov am tarnac luchka. "
-" … ? "
Et Stef :
-"Mhhh… tarnac luchka" répète-t-il dès la fin de la phrase, tandis que 4 paires d’yeux le regardent de manière médusée.
Alors Amir se dit que Stef a forcément compris…
Ceci dit, il a fait d’énormes progrès et c’est vrai qu’en matière de compréhension il force notre admiration !
"Contagion"
vendredi 10 Septembre
Jean-Marc tousse, Stef renifle et moi je crache. Nous sommes mignons tiens, à remonter en rampant le long pierrier qui mène au pied de la tour russe !... Nous sommes vidés, la "crève" nous est tombée dessus. Seul Richard semble vaillant. Rémi, s’il n’est pas malade, nous fait la politesse de ramper avec nous ! Aujourd’hui nous avons décidé d’aller inspecter la tour russe, de fixer le socle et de déposer un peu de matériel au bivouac du 4éme relais (R4).
Même malades, la ligne d’ascension nous fascine : une fine fissure raye le bastion du bas, l’itinéraire se perd alors dans le bouclier médian puis retrouve une ligne évidente de dièdres dans le headwall… Nous sommes tout excités !!!Vivement que passe la "crève" !
"Le voisinage ou le problème des lotissements"
mercredi 8 Septembre
En ce moment, neuf personnes vivent dans les trois profondes vallées qui forment le Karavshin. Kara-Su la vallée derrière, abrite deux bergers et Ak-Su la vallée où nous sommes, un berger et nous six.
Notre voisin vient nous rendre visite assez souvent. Sans doute tout étonné de voir du monde (des occidentaux qui plus est), et curieux des moindres de nos gestes. Il vit là tout l’été en berger. Il s’est construit un abri en pierre sous un gros bloc. Le reste du temps, il habite Vorukh, l’enclave tadjik à l’entrée de la vallée.Le problème de notre très gentil voisin c’est qu’il se mêle de tout ce que l’on fait en émettant des suggestions… Voyant Richard qui s’évertue à forer un trou avec un minable petit pieu pour évacuer une gouttière qui se forme, notre Tadjik lui explique que c’est un sillon d’une dizaine de mètres qu’il faut creuser autour de la tente mess… Rémi règle l’antenne du téléphone satellite pour optimiser la réception : le voilà alors qui prend le téléphone à bout de bras et qui se promène ainsi dans le camp à la recherche d’un meilleur signal, tel un grand habitué de la chose…. Je répare un œillet sur ma chaussure : il me conseille d’utiliser un clou plutôt que le piton universel "Charlet Moser" que je tiens main gauche, puis cherche à me convaincre de lui léguer cette belle paire de "Five Ten" achetée en solde à "Vertige Montagne" à Gap !
"Tentative"
dimanche 12 Septembre
Le réveil sonne à 3h du mat’.Bouh, que c’est dur. Mais l’heure est venue d’en découdre avec la tour russe. Je rejoins Rémi près de la tente mess. Nous scrutons le ciel… pas très optimistes. Les étoiles brillent par intermittence et, du Tadjikistan, semblent arriver de gros nuages sombres. Toute l’équipe nous rejoint et nous décidons de retourner dans la douceur du duvet. Honnêtement ça m’arrange, je ne suis pas complètement guéri. Nous nous réveillons un peu plus tard avec la pluie, rassurés de notre choix. Dans l’après midi la pluie évolue en neige, puis en forte neige durant la nuit.
"Le début de la fin"
lundi 13 Septembre
-"Hé, réveillez vous, y’a plein de neige. La tente mess s’est écroulée et y’a Amir dessous…"Il doit être minuit. J’étais parti loin dans mon sommeil et Stef m’en a tiré avec vigueur. Nous nous levons d’un bond et sortons de la tente pour rejoindre la cuisine. Effectivement une couche de 10 cm de neige pèse sur la toile de la grande tente et fait plier les arceaux. Certains sont brisés. Amir est sorti en rampant aidé de Stef. Nous faisons une réparation de fortune et retournons nous coucher.Il fait beau ce matin. Nous constatons les dégâts et faisons en sorte de réparer au mieux notre cuisine et salle à manger.
"Doutes"
Voilà deux petites semaines qu’en sortant de la tente le matin, nous nous mettons à genou devant la tour russe.Nous avons jumelé une vingtaine de fois l’itinéraire, nous avons élaboré plusieurs stratégies, nous savons à quelle heure le soleil arrive aux différents endroits de la face, la descente est reconnue, équipée… Et pourtant ce matin je doute. La montagne est belle, toute blanchie de givre et de neige. Mais c’est trop blanc pour permettre le passage. Et puis en séchant ça va tout mouiller. Et vu qu’on n’a pas encore eu une journée entière de soleil, pourquoi ça sécherait ? Et si ça repartait au mauvais… ? Je me vois descendre du camp de base derrière les mules avec les yeux tournés vers le sommet que nous n’aurions pas atteint… je doute, je sens que le sommet nous échappe.
"Sagesse"
Je le savais déjà, Richard est un sage.Alors que mes doutes et moi tournons en rond dans l’échafaudage de la tente mess, Richard vient me trouver :
-"On attaque demain… ? Le bas a séché, il a l’air de faire beau. On monte bivouaquer à R12 et le haut aura séché pour le lendemain. Il faut profiter du créneau de beau temps. "Le calme et la détermination de Ricardo me redonnent espoir.
Ce qui me fait peur c’est le lendemain du bivouac. Au dessus de R12, un bouclier raide nous attend avec quatre longueurs dures. Je ne m’imagine pas au lever du jour attaquer sur des petites prises tout engourdi d’une mauvaise nuit. Je préférerais bivouaquer à R18 avec les longueurs clés sous les pieds. Dans ce cas, il nous faut attendre que la face sèche un jour de plus. Mais c’est diminuer les chances d’avoir le créneau de beau temps.Jean Marc, Rémi et Stef nous rejoignent et nous palabrons une heure sur la stratégie. Nous finissons par nous mettre d’accord. Nous attendons une journée de plus, nous grimpons jusqu’à R18 et sortons le lendemain en croisant les doigts pour le beau temps.
"Perestroïcrack"
Mercredi 15 Septembre
A la fin des années 80, l’Union Soviétique a connu la perestroïka puis s’est morcelée au début des années 90 en de nombreuses petites républiques autonomes. En 1991, une équipe d’alpinistes français visite un de ces nouveaux pays et ses montagnes méconnues : le Kirghizistan. Sur le profil de la raide et fière tour russe, ils vont dénicher une fissure évidente (façon Etats Unis) qui raye la moitié de la face : the crack.
C’est reparti : réveil 3h00, petit déjeuner silencieux, premières clopes. Le vent s’est levé en début de nuit. Il souffle plutôt fort. Tout le monde se pose des questions mais personne n’en parle. Nous mettons le cerveau sur "off" et remontons l’immense pierrier puis nos cordes fixes. Au lever du jour nous nous préparons sur la terrasse de R4. Le froid est glacial et le vent incessant.
Gaillardement, Rémi coince pieds et poings dans la fissure. En doudoune, il lance les hostilités. Jusqu’à R12, rythme et moral sont bons. Le beau temps et le vent nous accompagnent toujours. Le bastion raide s’avère bien plus délicat. Les difficultés promises sur le papier sont bien là. Le vent et la neige qui subsiste dans quelques fissures ne facilitent pas notre progression. Usés physiquement et nerveusement, nous prenons pied à la tombée de la nuit sur l’étroite vire de R18.
Un peu déçus par la taille du bivouac nous sommes toutefois heureux d’avoir rempli le contrat de la journée. Demain il ne nous reste plus que 6 longueurs de difficultés modérées. Le vent se renforce, le ciel se charge par l’ouest, nous installons le bivouac.
"Tempête"
Jeudi 16 Septembre
Nous ne dormons pas de la nuit. Le vent est maintenant très fort et incessant. Nous sommes assis, recroquevillés sur cette vire de 80 cm de large et 4 mètres de long. Des couvertures de survie attachées par le haut à la ligne de vie tentent de nous protéger des gifles en rafale. Jean Marc est installé à l’extrémité sud de la vire. Il partage avec Richard une couverture de survie que le vent arrache par lambeaux.
- "On va tourner, non ?!!! " crie-t-il.
Tout le monde entend, personne ne répond, ne voulant pas quitter son si peu de confort et sachant bien que dans ces conditions, échanger les places relève de l’impossible.
Vers 2h du matin la neige commence à tomber. Les sommets voisins ont disparu dans un brouillard strié par les flocons partant à l’horizontale. Je crois qu’on a tous pensé à la même chose sans oser en parler : "Et maintenant qu’est ce qu’on va faire ? "
4h00…
6h00… un milliard de choses ont circulé dans nos têtes.
7h00. Ça y est, il fait jour. Il neige toujours, le vent a forci. Impossible de descendre en rappel, nous coincerions la corde à coup sûr. Il faut sortir, viser le grand dièdre final, 2 longueurs au dessus et espérer y être abrités du vent. Nous nous préparons, trions le matériel, déplions la corde. Pas faim, pas soif… sortir ! De l’action, bordel !
Et nous voilà lancés. Les rafales coupent la respiration. Nous rejoignons le dièdre. Ça va mieux. En face les grandes parois rocheuses sont blanches de neige. Nous avançons.
photo de Rémi
Au relais : un camalot jaune en haut, un rouge en bas. Stef m’assure. Je mousquetonne une sangle sur un gros béquet. Au dessus une fissure large déverse sur 3 mètres. Le topo côte III cette longueur. Le III est cher cette année ! Je place à bout de bras le gros camalot violet et monte en haut de la fissure. Il faut maintenant se rétablir sur une petite dalle. Je place un nouveau coinceur, le bleu… je me détends. Une prise de pied apparaît à gauche. C’est fou comme les prises poussent lorsque l’on vient de clipper la corde dans un mousqueton… J’arrive alors à me rétablir dans une zone de rochers plus facile. Suit un petit dièdre aisé en haut duquel je place une sangle pour protéger ce qui doit être le "réta" final. Je passe la tête au dessus de mes mains agrippées aux derniers rochers. Le vent et les flocons me fouettent le visage. Je redescends la tête immédiatement pour prendre ma respiration. Une profonde inspiration, je fais ce dernier pas et me rétablis au sommet. Un million de flocons défilent devant moi pour m’accueillir.
"Relais, à vous ! "
Je souffle un grand coup, je souris, je regarde autour de moi, on est en haut !
photo de Rémi
Rapidement tout le monde arrive : Stef, Jean Marc, Rémi puis Richard. C’est la fête à présent : nous nous prenons dans les bras, claquons nos mains. Nous sommes heureux ! Il nous reste 5 minutes de marche pour rejoindre le sommet de la tour russe. Photo, gâteau et retour au boulot. La descente est longue.
Oui, très longue. Et la neige tombée complique un peu les passages. Nous multiplions les rappels. En fin de journée, épuisés nous rejoignons le camp de base.
Amir, rassuré de nous voir, nous accueille chaleureusement. Il remet à cuire le "plov" royal qu’il a cuisiné pour notre retour.La tente mess est de plus en plus délabrée mais quel bonheur de s’abriter dessous !!! Et ce soir, c’est la fête…: nous décapsulons 3 canettes de bière chacun !
"Bambi"
dimanche 19 Septembre
Petit, j’étais allé voir au grand cinéma à Tarbes, "Bambi" avec Papiche et Mamie. J’avais pleuré dès les cinq premières minutes lorsque le jeune faon perd sa maman, tuée par un chasseur.
La neige et le froid se sont installés dans les montagnes. Nous tuons le temps à coup de tarot, yams, scrabble et sieste. Nous quittons le camp après demain. Les réserves diminuent à vue d’œil avec le mauvais temps !Ce matin Amir est tout excité. Il a vu un troupeau d’ibex sur les pentes enneigées au dessus du camp. Il jumelle la montagne tout en montant son fusil. Il nous explique son plan d’attaque en réchauffant le chargeur au dessus du feu. Il est comme un gosse ! En silence il part s’approcher de la harde.Plusieurs heures s’écoulent. L’idée du rôti d’ibex au déjeuner nous a abandonnés. Stef dépité nous concocte une excellente recette kirghize de spaghettis bolognaise pour nous consoler.En fin d’après midi, Amir revient, effectivement bredouille. Il nous raconte sa chasse : après avoir suivi discrètement le troupeau, il a choisi un gros mâle, a tiré une première balle qui l’a blessé puis au moment de cracher la seconde, le fusil s’est enraillé. Amir est très déçu.
"Roulé boulé"
mardi 21 Septembre
Deuxième jour de marche, j’en ai marre, ça me saoule, ras le bol de marcher… Nous nous arrêterons pour manger au même endroit qu’à l’aller nous a dit Amir… Mais quand est ce qu’on y arrive…, la vallée est interminable…, et depuis le bivouac j’ai mal aux pieds, j’ai des fourmis… De temps en temps lorsqu’ils font des pauses,j'arrive à les rattraper tous. Et puis rapidement je me fais distancer. Les mules cavalent en tête. Le sentier devient plus escarpé et les mules ralentissent: je réussis à rejoindre le groupe. La mule noire c’est la plus gaillarde. C’est elle "Biscottine", qui mène les autres et qui porte les plus gros sacs. Le chemin remonte un ravin en diagonale. A un moment, Biscottine se met à patiner pour franchir une grosse dalle de rocher. Un essai, deux essais, ses sabots glissent, elle se retrouve sur les coudes, elle essaie de se remettre sur les 4 pattes et au ralenti elle se met à basculer en arrière. Tout s’accélère et elle dévale la pente en cumulant les saltos. Stupéfaits nous regardons la scène impuissant. Biscottine finit par s’écraser sur le dos au fond du ravin. Amir et son frère descendent en courant jusqu’à la bête posée à l’envers. Ses pattes tressaillent. Les deux frères la libèrent de ses bagages. Elle se met à basculer sur le côté, à relever la tête puis elle se redresse sur ses pattes. Nous sommes autant soulagés qu’étonnés de la voir remonter le ravin en titubant. Elle qui d’habitude collectionne les coups de cravache, la voilà chouchoutée par tout le monde. Miraculée, Biscottine que l’on croyait morte n’a pas une égratignure. Pas le temps de s’accoutumer aux caresses, qu’à nouveau elle reçoit le même chargement ! Et c’est reparti !En fin de journée nous arrivons à Ak-Saï, terminus de la route carrossable. Demain la fourgonnette viendra nous chercher. Une page se tourne mais nous avons tous encore en tête l’image de la tour russe.
"Ping pong"
samedi 25 Septembre
Voilà deux jours que nous nous rééduquons. Fini le "plov", fini le tchaï, fini de se geler en doudoune, fini le fumet nauséabond… maintenant c’est bière et vin à volonté, pizza en terrasse et tournois de ping pong dans les parcs de Bishkek.
La dolce vita après nos aventures kirghizes…